Posté le 29 Aout 2016 – Cambridge, Massachussetts, Etats Unis – Bettina Krause
Des universitaires Adventistes en partenariat avec un groupe international de spécialistes étudient ce qu’ils appellent un paradoxe dérangeant : alors que le principe de la liberté religieuse est parvenu à obtenir une assise solide dans la législation internationale, les restrictions imposées à la pratique religieuse sont actuellement en augmentation à travers le monde.
Le groupe d’universitaires qui s’est réuni à la Faculté de Divinité de Harvard à Cambridge dans le Massachussetts, a exprimé sa préoccupation du fait que l’idéal de la liberté religieuse en tant que droit universel de l’homme demeure illusoire dans la pratique, et que la répression religieuse se poursuit de manière intense dans de nombreux pays en dépit de décennies de soutien et de promotion de la liberté au niveau international.
Ce paradoxe représente un défi fondamental qui empêche tout progrès réel dans l’avancement de ce droit de l’homme élémentaire, ont dit les universitaires dans un communiqué publié après trois jours d’étude et de discussion.
« En résumé, un changement majeur dans le débat sur la liberté de religion ou de croyance pourrait bien intervenir au cœur de sa démarche intellectuelle, » indique le communiqué. « Jusqu’à récemment, les normes de la liberté religieuse étaient largement acceptées, le débat portait sur les détails, sur la manière dont ils devraient être appliquée dans différents contextes, et sur la manière dont ils pourraient être développés et mis en place de manière plus efficace. Mais aujourd’hui même leur légitimité est remise en question de manière explicite ou implicite. »
Des études récentes telles que celle qui a été publiée par le Pew Research Center un peu plus tôt cette année, indique que les trois quarts environ des 7,2 milliards d’habitants de la planète vivent dans des pays où il y a de grandes ou de très grandes restrictions sur la pratique religieuse ou un fort degré d’hostilité sociale par rapport à la religion.
Le panel international composé de quelques douzaines de chercheurs et d’avocats – connu sous le nom de « Rencontre des Experts » – se réunit chaque année à l’invitation de l’Association Internationale de la Liberté Religieuse, IRLA, une organisation indépendante de défense des libertés fondée par l’Eglise Adventiste du Septième Jour.
Ganoune Diop, secrétaire général de l’IRLA, a déclaré que la réticence de nombreux pays à adopter les normes internationales de la liberté religieuse est motivée par des forces culturelles, historiques, philosophiques, morales et politiques. Afin de comprendre pourquoi ces barrières existent, a dit Ganoune Diop, il est important d’étudier les diverses critiques de la liberté religieuses émises par ces pays, dont plusieurs ont soit un parti pris anti-occidental ou sont influencés par une religion ou une idéologie puissante au niveau politique.
« Pour certains pays, la liberté religieuse est étroitement liée à l’idée de ‘droits individuels,’ et cela ne se retrouve pas dans les cultures basées sur une approche plus collective et communautaire des droits, a dit Ganoune Diop dans une interview. « D’autres cultures font équivaloir les normes de la liberté religieuse à la permissivité libérale qui conduira à une décadence morale dans la société. »
Ganoune Diop a poursuivi en disant : « Certains pays craignent que la liberté religieuse n’ébranle une religion dominante qui est considérée comme ayant une importance historique ou politique vitale. On peut en voir certains exemples dans quelques formes de l’Islam dans de nombreux pays du Moyen Orient, où avec l’Orthodoxie dans certains pays de l’Europe de l’Est. D’autres encore, en particulier en Asie, rejettent les idéaux de la liberté religieuse comme étant trop ‘occidentaux.’ Ils sont considérés comme étant incompatibles avec la culture locale, ou même comme un outil de l’impérialisme occidental. »
Ganoune Diop a déclaré cependant que la résistance aux normes de la liberté religieuse ne vient pas seulement des pays non occidentaux. Il a fait remarquer qu’une influence omniprésente du postmodernisme – qui est très sceptique vis à vis des normes globales ou universelles – dans de nombreux pays européens et aux Etats Unis, a conduit à un déclin de l’intérêt pour les idéaux de la liberté religieuse.
Un sécularisme grandissant amène également certaines personnes à se demander pourquoi l’expression religieuse mérite une considération et une protection spéciales, a-t-il dit.
Ganoune Diop, qui a fait un exposé lors de la première journée de la Rencontre des Experts, a indiqué que la désillusion s’intensifiait, surtout chez les jeunes, dans les idéologies allant du communisme à la démocratie libérale.
« Nous constatons tous des situations où il y a deux poids, deux mesures, de la corruption, et l’incapacité de traduire les idéaux en pratique, » a dit Ganoune Diop. « Par conséquent, ce n’est pas étonnant que tant de personnes rejettent les institutions et les lois internationales – même celles qui prétendent promouvoir les droits universels de l’homme – disant qu’elles sont au mieux futiles, ou au pire un outil politique de répression. »
Parmi les chercheurs ayant fait des présentations lors de la rencontre, on peut citer David Little, professeur émérite à la Harvard Divinity Scool ; Cole Durham, professeur de droit et directeur fondateur du Centre International du Droit et des Etudes Religieuses à l’Université Brigham Young à Provo en Utah ; Rosa Maria Martines de Codes, professeur d’histoire à l’Université de Complutense à Madrid en Espagne ; Pasquale Annichino, membre de l’équipe de recherche à l’Institut Universitaire Européen de Florence en Italie ; Dudley Rose, doyen adjoint de la Harvard Divinity Scool ; Mohamed Mahfoudh, doyen de la faculté de droit à l’Université de Tunisie ; T. Jeremy Gunn, professeur de droit et de science politique à l’Université Internationale de Rabat au Maroc et Amal Idrissi, professeur de droit à l’Université de Moulay Ismael au Maroc.
La Rencontre des Experts aura lieu l’année prochaine à l’Université de Princeton dans le New Jersey. Ganoune Diop, qui est également le directeur des affaires publiques et de la liberté religieuse pour l’Eglise Adventiste du Septième Jour, a déclaré que ces rencontres sont d’une très grande valeur en ce qu’elles attirent l’attention sur les préoccupations importantes relatives à la liberté religieuse.
C’est la 18ème fois que le groupe se réunit, et au fil des années, un grand nombre des exposés présentés ont été publiés dans le journal académique de l’IRLA, Fides et Libertas. Les éditions précédentes de Fides et Libertas, et davantage d’informations sur les activités de l’IRLA et le travail réalisé par la Rencontre des Experts sont disponibles sur le site web irla.org.
Traduction: Patrick Luciathe