S’adapter à la vie dans le monde du COVID-19

23 Juillet 2020 | Loma Linda, Californie, États-Unis | Par Dr Carlos Fayard, pour le Pôle Informations de la Division Inter-Américaine

Cynthia Gorney, une journaliste qui écrit pour le magazine National Geographic a fait suivre le titre de son article « Nous ne sommes pas faits pour cette nouvelle normalité » de la phrase : « Lorsque les temps sont difficiles, notre désir humain le plus profond est de nous rapprocher les uns des autres – ce que précisément il nous a été demandé de ne pas faire » (1). Elle a raison. Nous avons été créés pour recevoir du réconfort du doux toucher et de la présence d’êtres chers.

Les psychologues ont étudié la dynamique de l’attachement humain pendant des décennies à travers une condition expérimentale appelée « situation étrange » dans laquelle un jeune enfant est enfin réuni à un parent après de brefs moments seuls et, par la suite, est placé en compagnie d’un étranger. L’enfant qui a un attachement profond se remet rapidement de la légère détresse causée par la séparation en recherchant et en recevant le réconfort physique et émotionnel du soignant. L’enfant qui n’a pas d’attachement solide affiche des comportements qui montrent que la réaction du parent n’est soit pas attendue, peu fiable ou constitue une menace pour le bien-être du jeune enfant. La classification de l’attachement résultant de la « situation étrange » comme étant solide, précaire, ou désorganisée anticipe la manière dont 70 pourcents des enfants vont gérer les émotions, les relations étroites et même la confiance (émotionnelle) en Dieu * 16 à 20 ans plus tard.

Pour beaucoup, certains des moments de célébration et de tristesse les plus humains se déroulent désormais derrière des masques faciaux, en gardant une distance physique (sociale) ou en confinement. Nous ne sommes pas faits pour cette « nouvelle normalité. » Mais nous devons nous adapter.

Pourquoi s’adapter?

Pourquoi s’adapter ? Si vous êtes comme beaucoup d’entre nous, vous étiez quelque peu dans le déni quant à la durée et l’évolution de la pandémie. Dès le début, les experts ont laissé entendre que cela durerait des mois, voire des années. Non, avons-nous pensé, cela disparaîtra…, et nous avons continué ainsi. Nous ne sommes pas faits pour ça. Nous ne sommes pas faits pour le confinement. Nous ne sommes pas faits pour saluer nos êtres chers à distance, sans accolades ni baisers. Nous ne sommes pas faits pour éviter les visages des amis. Pourtant, les experts avaient raison. Selon l’endroit où vous vivez dans le monde, cette « nouvelle normalité » continuera pendant un certain temps et avec ses propres particularités.

L’historienne médicale et « spécialiste de la peste » Gianna Pomata, souligne dans son entretien de juillet 2020 donné au journal The New Yorker (2), que les pandémies provoquent des changements sociaux sismiques. Certaines finissent par améliorer les choses malgré le coût humain élevé, et dans certains cas, des qualités humaines importantes et précieuses sont minimisées ou perdues. Le changement est peut-être en train de se produire sous nos yeux. Nous devrons peut-être nous adapter à plus que ce que nous pouvons comprendre à ce stade.

À quoi nous adaptons-nous ?

Au départ, lorsque la crise a éclaté, les experts en santé mentale se sont concentrés sur la façon de faire face aux multiples menaces causées par le COVID-19. Pour faire face, vous essayez principalement de protéger votre situation actuelle tout en espérant que la situation négative disparaîtra. S’adapter, c’est accepter des éléments de la nouvelle réalité et faire des changements en soi et dans sa vie pour vivre dans une réalité différente. C’est ce que l’on appelle « la nouvelle normalité, » changer nos façons de vivre les relations sociales et apprendre à vivre dans l’incertitude tout en continuant autant que possible à garder autant de « l’ancienne normalité » que possible. Laissez-moi vous donner un exemple :

Lorsque vous visitez un pays où vous n’êtes jamais allé, que vous ne parlez pas la langue et que vous n’y avez ni famille ni amis, vous n’apprenez pas une nouvelle langue ou n’essayez pas de vous habiller comme les locaux. Vous ne vous inquiétez pas de la façon dont vous allez gagner votre vie, vous vous contentez peut-être de simplement goûter la nourriture locale si vous vous sentez une âme d’aventurier. Vous vous débrouillez en utilisant votre Smartphone pour vous déplacer, un traducteur Google pour communiquer et disposer des éléments essentiels qui vous permettront d’arriver au terme de votre séjour. Lorsque vous êtes immigrant, c’est très différent. Vous devez apprendre une nouvelle langue, trouver un emploi, acheter les aliments disponibles et développer un nouveau réseau social. Soit vous vous adaptez, soit vous rentrez chez vous, soit vous demeurez très malheureux. Pour beaucoup de personnes, l’adaptation n’est pas facile.

Ma femme et moi étions mal préparés pour notre « nouvelle normalité » après avoir émigré aux États-Unis. Nous ne parlions pas anglais. Nos diplômes professionnels ne nous ont pas permis immédiatement d’avoir un emploi. Et la partie la plus difficile : la famille et les amis nous manquaient. Nous n’étions pas faits pour cette « nouvelle normalité. » Finalement, par la grâce de Dieu, nous sommes devenus des « américains. » Pas dans le sens où on ne peut pas nous distinguer de nos voisins, nous nous sommes adaptés et avons développé une identité biculturelle – un beau mélange de la « vieille normalité » et de la « nouvelle. » L’adaptation prend du temps, surtout que « notre désir le plus profond est de nous rapprocher, » tout en apprenant à vivre avec le risque constant d’être infecté par le COVID-19.

Comment nous adaptons-nous ?

Quelle est la « nouvelle normalité ? » La « nouvelle normalité » émerge et se développe. Elle semble être faite de ce que nous savons, mélangé à ce qui est incertain et peut-être dangereux. En plus des protections faciales, de la distance physique, des lavages fréquents des mains et de Zoom, il faut deux éléments essentiels pour s’adapter :

  • « Normaliser » l’incertitude et le risque sans devenir complaisant.
  • Savoir ce pour quoi nous sommes faits – pas seulement comprendre ce pour quoi nous ne sommes pas faits. Affirmer et mettre en pratique ce pour quoi nous sommes faits autant que possible protégera votre santé émotionnelle.

Normaliser la « nouvelle normalité »

Les universitaires libanais Hiba Takieddine et Samaa AL Tabbah (3) estiment qu’en plus de l’impact direct des vies perdues, des emplois qui sont passés de congé à une disparition complète, des fonds de retraite décimés et des problèmes posés par des changements soudains et drastiques dans la manière dont nous faisons du commerce, dans l’éducation et dans les voyages, la « nouvelle normalité » requiert également de la flexibilité pour rester à jour et suivre les instructions alors que nous naviguons entre différents stades de risque. Il pourrait y avoir des changements permanents ou au moins prolongés en termes de travail à domicile, de rencontres via Zoom et même dans la façon dont nous adorons. Combien de temps pensez-vous faudra-t-il attendre jusqu’à ce que vous vous sentiez à l’aise en serrant la main d’un étranger ou pour ne pas paniquer si quelqu’un à côté de vous tousse ou éternue ou alors, pour avoir le sentiment que si vous éternuez, vous ne serez pas perçu comme un « tueur en série » potentiel. Oui, flexibilité, patience, humour et foi sont requis. Vous suivez les recommandations de santé publique et évitez d’être présomptueux en pensant que Dieu vous couvrira sous ses ailes alors que tout ce que vous aviez à faire était de vous couvrir le visage. Évitez les méthodes non validées pour vous protéger du virus.

Pomata, l’historien médical, fait part d’une croyance et d’une pratique populaires pendant la « peste noire » lorsque les gens pensaient que la peste était causée par « l’air malsain, » comme la brise marine. On pensait que les travailleurs qui nettoyaient les latrines étaient immunisés. Ainsi, certaines personnes se confinaient pendant des heures au milieu des excréments humains pour inhaler de l’air « médicinal. » Si vous vouliez adopter cette « pratique, » à coup sûr, cela maintiendrait les autres à la « distance sociale » requise de près de deux mètres ! Mais ni cette pratique ni d’autres remèdes dits « populaires » ne vous protégeront du COVID-19. La complaisance est votre ennemi.

En termes pratiques, il faut du temps avant que votre esprit n’intègre ce que vous commencez à voir comme étant un changement potentiellement permanent, et pas seulement passager. Le défi de la normalisation est amplifié par l’incertitude et le risque d’infection. Comment apprenons-nous à cohabiter avec le risque, tout en menant une vie « normale » ? Lorsque je terminais ma formation universitaire initiale en psychologie en Argentine, le pays était gouverné par une dictature militaire connue pour ses détentions illégales, son absence de procédure légale, la torture et la mort possible entre les mains des forces gouvernementales. Mon école était le foyer de ce que le gouvernement considérait comme un « repaire de terroristes. » Il n’était pas rare d’être observé par des policiers en civil.

La mauvaise parole, le mauvais endroit, le mauvais camarade de classe pouvaient causer votre mort si vous aviez de la chance, ou vous amener à être torturé si vous n’aviez pas de chance. Je suis loin d’être un héros, mais je suis allé en classe, je suis resté actif à l’église et j’ai noué des relations sociales avec mes camarades de classe. Je me suis adapté mais j’ai payé le prix. J’ai eu une mini réaction post-traumatique lorsque mon cerveau n’a pas fait la différence rapidement entre le casque d’un officier de la police de la route à Los Angeles, et le casque de l’officier qui avait demandé au groupe de jeunes de mon église de faire face au mur avec nos mains en l’air alors que ses doigts étaient sur son arme. Au fil du temps, vous apprenez ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter, en faisant confiance à la protection de Dieu et en cultivant une certitude pour la « vraie normalité, » qui veut que nous soyons vraiment faits pour le ciel.

En d’autres termes, au milieu de la pandémie, vous êtes informés de ce qu’il faut faire, de ce qu’il faut éviter, vous suivez des experts dignes de confiance, pendant que vous vous concentrez sur la « vraie normalité » pour l’éternité. « L’ancienne » et la « nouvelle normalité » ne sont pas ce pour quoi nous sommes faits. Vous êtes faits pour l’éternité.

La deuxième partie de cet article suivra dans les prochains jours.

 

Dr Carlos Fayard est professeur et directeur du Centre Collaboratif de l’OMS pour la Formation et la Santé Mentale Communautaire au Département de Psychiatrie de la Faculté de Médecine de l’Université de Loma Linda. Il est l’auteur des « Principes Chrétiens pour la Pratique de la relation d’Aide et de la Psychothérapie. »

 


1-National Geographic, Juillet 2020, vol. 238, 1, p. 20

* Alors que la recherche sur l’impact émotionnel et relationnel de la classification de l’attachement est longitudinale, la recherche sur l’attachement à Dieu ne l’est pas. Cependant, les recherches menées auprès d’enfants, d’adolescents et d’adultes montrent constamment une correspondance entre le type d’attachement à un parent et le type d’attachement à Dieu.

2-Coronavirus Pandemic: Coping with the Psychological Outcomes, Mental Changes, and the “New Normal” During and After COVID-19. (Pandémie de coronavirus: faire face aux conséquences psychologiques, aux changements mentaux et à la « nouvelle normalité » pendant et après le COVID-19) DOI: https://doi.org/10.36811/ojda.2020.110005  OJDA: Juin-2020: Page No: 07-19

3-The New Yorker, July 20, 2020. Lawrence Wright. Crossroads, A Scholar of the Plague thinks that Pandemics Wreak Havoc – and Open Minds.(Un spécialiste de la Peste pense que les pandémies font des ravages – et ouvrent les esprits.)

Traduction: Patrick Luciathe

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