La décision rendue dans l’affaire Groff contre DeJoy aura un impact sur la liberté religieuse sur le lieu de travail pour de nombreuses personnes aux États-Unis.

2 Juillet 2023 | Washington DC, États-Unis | Bill Knott, agent de liaison à Capitol Hill pour l’Église adventiste du septième jour

Dans une décision unanime rendue le jeudi 29 juin, la Cour Suprême des États-Unis s’est débarrassée d’un précédent vieux de plusieurs décennies en renforçant les protections juridiques des travailleurs dont les croyances religieuses entrent en conflit avec leurs obligations professionnelles. La décision rendue dans l’affaire Groff contre DeJoy devrait avoir un impact significatif sur les opportunités en matière d’emploi pour les Américains de diverses confessions religieuses qui ont souvent été confrontés à des difficultés en raison de leurs pratiques d’observation du sabbat. La décision de la Cour va remodeler la façon dont les entreprises proposent des arrangements en matière de pratique religieuse sur la base de l’article VII de la loi sur les droits civiques de 1964.

Le procès concernait Gerald Groff, un chrétien fervent dont la foi l’amène à observer un sabbat de 24 heures le dimanche. Gerald Groff travaillait pour le Service Postal des États-Unis (USPS) mais rencontrait des difficultés persistantes pour obtenir de la part de son employeur un arrangement pour sa pratique religieuse. Bien qu’initialement USPS ait fait en sorte de proposer un arrangement, les demandes répétées de Gérald Groff pour avoir continuellement la liberté de ne pas travailler pendant son jour de repos et de culte ont finalement été rejetées lorsque USPS a signé des contrats avec Amazon, l’importante société de vente au détail et de distribution, pour les livraisons du dimanche.

Malgré les demandes répétées de Gerald Groff d’être exempté du travail le dimanche, USPS a rejeté ses requêtes, citant le précédent établi dans l’affaire Trans World Airlines, Inc. contre Hardison (1977) qui exigeait uniquement que les employeurs subissent des difficultés minimales. Cette barre placée très bas, appelée « norme minumus, » était souvent utilisée pour justifier le refus des arrangements en matière de pratique religieuse.

La position de la Cour, rédigée par le juge Samuel Alito, traitait spécifiquement de la norme minimus et insistait sur une lecture beaucoup plus substantielle de la « difficulté excessive. » Samuel Alito a écrit : « Nous pensons qu’il est suffisant de dire qu’un employeur doit démontrer que le fait d’accorder un arrangement entraînerait une augmentation substantielle des coûts liés au fonctionnement particulier de son entreprise. »

L’équipe juridique représentant Gerald Groff comptait en son sein l’avocat adventiste Alan Reinach, qui est directeur des Affaires Publiques et de la Liberté Religieuse pour l’Union de Fédérations adventistes du septième jour du Pacifique. Au cours du processus d’appel, First Liberty, un important groupe de défense de la liberté religieuse, a rejoint l’équipe du procès et a recruté l’avocat d’appel Aaron Streett du cabinet d’avocats Baker Botts, LLP. L’affaire a été plaidée devant la Cour le 18 avril 2023.

S’exprimant au nom de la Conférence Générale des adventistes du septième jour et de sa Division Nord-Américaine, Todd McFarland, avocat général adjoint, qui a également rédigé l’amicus curiae (document de position argumentée) déposé par l’église, a déclaré : « Nous sommes très heureux ce matin de voir que la Cour Suprême ait franchi une étape importante vers la protection sur le lieu de travail des personnes pratiquant une religion. Personne ne devrait avoir à choisir entre son travail et sa foi. La décision d’aujourd’hui réaffirme que les employeurs ne peuvent pas utiliser la croyance religieuse d’un employé comme excuse pour le licencier. »

Un groupe diversifié d’organisations religieuses et de défense de la liberté religieuse ont déposé des amicus auprès de la Cour Suprême pour soutenir Gerald Groff, notamment la Conférence Générale des adventistes du septième jour, le Centre Américain pour la Loi et la Justice, la Coalition Sikh, l’Union des Congrégations Juives Orthodoxes d’Amérique, le Concile des Relations Américano-Islamiques, l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, la Coalition Hindoue d’Amérique, le Fond Becket pour la Liberté Religieuse et la Commission Baptiste Conjointe.

Parmi les organisations opposées à la requête présentée par Gerald Groff à la Cour on retrouvait l’AFL-CIO, le Syndicat des Ouvriers de la Poste en Amérique, la Fondation Affranchis de la Religion et le Centre pour les Investigations et les Athées Américains.

« S’appuyant sur le procès de 1977, les employeurs n’avaient qu’à subir un minimum de difficultés pour justifier de refuser à un employé un arrangement pour ses pratiques religieuses, » a déclaré Alan Reinach. « Cette norme a neutralisé la loi et conduit au licenciement de milliers d’Américains de toutes confessions religieuses. Les adventistes du septième jour ont été particulièrement lésés dans la mesure où les travailleurs rémunérés à l’heure se voient fréquemment attribuer des horaires de travail par roulement, ce qui inclut les heures de sabbat. »

La décision de la Cour Suprême dans le procès Groff contre DeJoy a non seulement reconnu le fardeau injuste imposé aux travailleurs confrontés à des conflits à cause de leur religion, mais a également mis en lumière la nécessité d’une approche plus robuste en matière d’arrangement pour les pratiques religieuses.

La décision devrait avoir des implications considérables pour les travailleurs de tout le pays. En plaçant plus haut la barre permettant aux employeurs de justifier le refus d’un arrangement pour la pratique religieuse, la décision de la Cour offre une plus grande protection aux employés ayant des convictions religieuses sincères. Elle envoie un message clair indiquant que les employeurs doivent faire des efforts raisonnables pour trouver des arrangements permettant à leurs employés de pratiquer leur religion, même si cela amène un certain nombre de difficultés.

La décision dans le procès Groff contre DeJoy est considérée comme une victoire importante pour les défenseurs de la liberté religieuse qui ont longtemps plaidé pour un renforcement des protections légales. Cela marque un changement vers une approche plus équitable qui reconnaît l’importance de la mise en place d’arrangements tenant compte des diverses pratiques religieuses des travailleurs américains. Suite à cette décision, les employés confrontés à des conflits entre les exigences de leur emploi et leurs croyances religieuses peuvent s’attendre à davantage de possibilités d’obtenir des arrangements raisonnables de la part de leurs employeurs.

L’avocat Mitch Tyner, avocat général adjoint de l’Église adventiste à la retraite et également ancien agent de liaison avec Capitol Hill, était à la fois heureux et prudent quant à la décision de la Cour. « Tout d’abord, félicitations à Todd McFarland et à son équipe qui ont finalement réussi à faire réparer par le tribunal un tort commis il y a cinquante ans, » a dit Mitch Tyner. « J’ai passé plus de 40 ans à travailler pour y parvenir, et ils ont réussi à achever le travail. Cela dit, notez que la décision laisse beaucoup de marge de manœuvre aux tribunaux inférieurs pour décider ce qui constitue une augmentation substantielle des coûts dans chaque cas. La Cour a changé la recette à utiliser pour arriver à une décision correcte. Mais rappelez-vous, la preuve ultime est dans le pudding, pas dans la recette. » Alors que la décision crée un nouveau précédent en matière d’arrangements pour les pratiques religieuses, il reste à voir à quelle vitesse les employeurs adapteront leurs règlements et leurs pratiques. D’autres actions en justice visant à clarifier les nouveaux seuils établis par la Cour Suprême sont anticipés. Il est clair, cependant, que cette décision marque une étape importante dans la protection des droits des travailleurs confrontés à des conflits liés à leurs pratiques religieuses.

Traduction: Patrick Luciathe

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