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Comment l’archéologie donne vie à la Bible

12 Février 2024 | Berrien Springs, Michigan, États-Unis | Constance Clark Gane, Université d’Andrews

Les stores des fenêtres étaient tirés et la pièce était sombre. C’était ma dernière année d’université. J’avais survécu à bien des classes, mais là il s’agissait d’un cours différent : « Archéologie et Bible, » enseigné par le professeur Paul Bork à Pacific Union College à Angwin, en Californie. Tandis que les autres dormaient, j’étais moi bien éveillée et fascinée par les liens graphiques entre les découvertes historiques et les récits bibliques.

J’ai été tellement enthousiasmée par le cours et le sujet que Paul Bork a finalement suggéré que j’envisage de me lancer moi-même dans l’archéologie. Cette idée me semblait ridicule et j’ai éclaté de rire – je pensais que c’était pour les hommes plus âgés avec une barbe bien fournie.

[Photo: Russ McCabe / Unsplash]

À peu près à la même époque, j’ai entendu Siegfried Horn, le « père de l’archéologie adventiste du septième jour, » faire une présentation à la chapelle sur les corrélations entre l’archéologie et la Bible. J’ai été ravie en entendant chaque détail qui établissait un lien entre l’histoire et la Bible. J’ai fait un emprunt et je me suis rendue en Israël pour m’essayer aux fouilles sur le terrain sur le site du port Salomonien de Tell Dor, au bord de la Mer Méditerranée, sous la direction du professeur David Stronach de l’Université de Californie à Berkeley et du professeur Ephraim Stern de l’Université Hébraïque de Jérusalem en Israël. Plusieurs autres envisageaient l’archéologie comme future carrière, mais à la fin de la saison estivale, j’ai été la seule à déclarer : « C’est ici ma place ! » La combinaison de mes mains dans la terre, du travail physique discipliné, de l’enregistrement des découvertes et de la corrélation des riches découvertes avec les événements bibliques, sans parler de la baignade rafraîchissante quotidienne dans la mer salée, m’a donné un enthousiasme et une passion pour la vie dans le monde archéologique que je n’ai jamais perdus.

Donner vie à la Bible

La Bible nous présente un récit des interactions de Dieu avec notre monde physique et avec un segment spécifique de l’humanité. Elle nous donne une perspective théologique qui repose sur des événements historiques, mais il ne s’agit pas de l’histoire complète d’une culture ou d’une civilisation. Le domaine de l’archéologie biblique apporte des détails fascinants qui étayent et valident l’historicité de la description biblique. En d’autres termes, les découvertes archéologiques peuvent être corrélées à de nombreux détails physiques, culturels et religieux décrits dans la Bible.

L’archéologie a cependant des limites qu’il faut reconnaître. Les sites anciens pertinents au récit biblique ont souvent été détruits dans l’Antiquité. Les incendies, les guerres, les famines et l’abandon ont laissé les sites en ruines. Les vestiges matériels découverts lors des fouilles sont fragmentaires et sur un site donné, seule une fraction est fouillée. Lorsque mon mari, Roy, et moi voyagions à travers l’Irak à la fin des années 1980, nous avons été étonnés de voir de nombreux hauts monticules, ou sites anciens, parsemant le paysage. Certains avaient été partiellement explorés, mais beaucoup d’autres n’avaient jamais été touchés.

Notre connaissance, bien que grande, est vraiment très limitée. Lorsqu’il existe des divergences apparentes entre les découvertes archéologiques et les récits bibliques, on ne peut pas forcer l’un à être d’accord avec l’autre. Il est crucial de séparer les données bibliques et les données archéologiques pour l’intégrité des disciplines.

Les informations extrabibliques et la Bible

Trouver des points communs entre les découvertes archéologiques et le récit biblique est une expérience passionnante et enrichissante. Il existe de nombreuses découvertes à partir desquelles s’inspirent nos riches collections en constante expansion de commentaires bibliques illustrés et de Bibles d’étude. Les textes cunéiformes découverts sur le site antique de Nuzi (Yorghan Tepe moderne), situé dans le nord de l’Irak, offrent une fenêtre fascinante sur le monde quotidien de la vie patriarcale du Proche-Orient antique (Age du Bronze ancien et Age du Bronze moyen, vers 2000-1500 av. J.-C.). 1

Par exemple, Abram a déterminé que puisque Dieu ne lui avait pas donné d’héritier, son serviteur Eliézer serait son héritier (Genèse 15 : 2). Cette pratique est également visible dans les récits de Nuzi dans lesquels il est dit qu’un homme sans enfant pouvait adopter son serviteur pour en faire son héritier.2

Un contrat de mariage découvert à Nuzi autorise une femme stérile à acquérir une esclave comme concubine pour son mari. Si l’esclave a un enfant du mari, l’épouse doit avoir autorité sur cet enfant.3 Cela nous rappelle ce que Saraï a demandé à Abram lorsqu’elle a demandé que sa servante Agar soit prise par Abram pour accomplir la promesse de Dieu leur annonçant un enfant (Gen. 16). Ce ne sont là que deux des nombreuses similitudes trouvées entre les récits patriarcaux bibliques et la culture et la société anciennes révélées à Nuzi.

La connaissance du contexte du Proche-Orient antique a également enrichi l’étude de la vie privée et publique des femmes bibliques. Le livre d’Esther fait référence au rassemblement de belles femmes de tout l’empire Perse (Achéménide). Bien que nous n’ayons aucune preuve extrabiblique (pour l’instant) pour la reine Esther ou pour ce rassemblement particulier, nous avons des preuves de l’existence d’autres rassemblements. La Chronique Babylonienne de Babylone en Irak, du roi Achéménide Artaxerxès III (359/358-338 av. J.-C.) décrit l’arrivée de femmes sidoniennes au palais du roi après la défaite infligée par le roi à Sidon. Les passages pertinents du texte disent ceci : « La quatorzième [année] de . . . Artaxerxès (III) : . . . Le seizième jour, les . . . femmes prisonnières de Sidon, que le roi envoya à Babylone, ce jour-là, elles entrèrent dans le palais du roi. »4

Bien que nous ne sachions pas comment ces femmes sidoniennes auraient été préparées pour leurs futurs postes, nous savons quelque chose sur le processus probable grâce à l’histoire d’Esther. Le récit biblique nous indique que les jeunes femmes passaient par 12 mois de préparation, dont six mois consacrés aux traitements avec des parfums. Des huiles et des épices parfumées étaient importées de Perse, d’Inde et d’Arabie.5 Des brûleurs à épices cuboïdes, comme ceux qu’on trouve dans la ville israélite de Lakish (en Israël moderne) et dans la ville babylonienne de Nippour (en Irak moderne), étaient très probablement utilisés comme des brûleurs cosmétiques pour ce type de traitement aromatique.6 Ce type de brûle-encens a une longue histoire en Mésopotamie et dans la Péninsule Arabique et continue d’être utilisé aujourd’hui.7 Les épices qu’on y brulait étaient « choisies pour la combinaison d’objectifs de senteurs, de répulsif d’insectes et d’usage thérapeutique. Une femme se tenait debout par-dessus l’encens qui brulait, parfumant ainsi sa peau nue en dessous de ses vêtements.9 D’autres bruleurs d’encens apparaissaient sous la forme de supports souvent placés près d’individus importants. On peut voir ces bruleurs sur le relief de Persépolis représentant Darius le Grand assis (maintenant au Musée Archéologique de Téhéran) et sur le sceau-cylindrique d’une femme assise avec des assistants (exposé au Musée du Louvre)10.

Personnages bibliques dans des sources extrabibliques

La confirmation de l’existence d’individus bibliques non mentionnés ailleurs dans les sources extrabibliques continue de mettre à rude épreuve notre patience et notre foi. En dehors de la Bible, il n’existe aucune confirmation dans le Proche Orient antique de l’existence de plusieurs individus éminents tels que Zaphnath-Paaneah (Joseph), Belteshazzar (Daniel) et Esther (Hadassah).

Cela était autrefois vrai pour le roi assyrien Sargon II, qui n’est mentionné qu’une seule fois, dans Ésaïe 20 :1, et était considéré comme un exemple de l’ignorance de l’auteur biblique. Une ville entière, Dur-Sharrukin (traduit littéralement par « Forteresse de Sargon », Khorsabad moderne), a été cependant découverte au nord de Ninive par le consul général de France à Mossoul, Paul-Émile Botta.11 Non seulement la ville entière portait le nom du roi assyrien jusqu’alors inconnu, mais son nom apparaît à plusieurs reprises sur des inscriptions, qui rapportent également son attaque contre Israël.

De même, la mention de Belshazzar comme dernier roi de Babylone dans le livre de Daniel (Dan. 5, 7 et 8) a été utilisée comme preuve que l’auteur ne connaissait pas bien l’histoire babylonienne. Finalement, quatre cylindres identiques de la période de la fin de la Babylonie gravés en caractères cunéiformes ont été trouvés au sommet de la ziggourat de Sin sur le site d’Ur, sur lesquels était écrite une prière au dieu de la lune, Sin, pour la protection de Nabonide et de son fils, Belshazzar.12 Finalement, d’autres tablettes cunéiformes, telles que le « Récit en Vers de Nabonide, » ont été trouvées et mentionnent le voyage de Nabonide à Teima et le fait qu’il ait laissé son premier-né (Belshazzar) en charge de Babylone.13

Une tablette conservée au British Museum et analysée par l’assyriologue Michael Jursa présente une rare corrélation avec un individu non royal mentionné dans Jérémie 39. La tablette administrative royale de la ville babylonienne de Sippar date de 595 avant J.C., la neuvième année de Nebucadnetsar II. L’un des plus hauts fonctionnaires de la cour babylonienne, le « chef eunuque » de Nebucadnetsar, Nebo-Sarsekim, est mentionné comme faisant une offrande d’or à l’Ésagila, le temple de Marduk, à Babylone. Ce fonctionnaire est le même Nebo-Sarsekim mentionné nommément dans Jérémie 39, à qui Nebucadnetsar ordonne de garder et de protéger le prophète Jérémie en 587 avant J.C., lorsque le roi Sédécias avait été fait prisonnier.14

De telles découvertes extraordinaires donne encore davantage vie aux histoires de la Bible. Des milliers d’autres tablettes cunéiformes se trouvant dans de nombreux musées restent à déchiffrer. Qui sait ce que nous pourrions découvrir d’autre ?

Conclusion

En tant qu’archéologue biblique, je suis passionnée par le fait d’établir des liens entre les vestiges poussiéreux trouvés dans la terre des fouilles et le récit biblique. L’archéologie ajoute à notre connaissance croissante du monde biblique de manière nouvelle et passionnante. Nous connaissons et comprenons les détails, les problèmes, les conflits et les relations comme jamais auparavant dans l’histoire des études bibliques. Nous tenons une grande partie de ces connaissances pour acquises, sans nous rendre compte qu’il y a à peine 25 ans, notre compréhension du monde biblique était bien plus limitée. L’exégèse du texte biblique, l’étude de langues et de textes anciens pertinents sur le plan biblique, les fouilles archéologiques de vestiges historiques : chacun de ces domaines d’étude enrichit notre lecture de la Bible. Aussi passionnantes que soient ces découvertes, ce ne sont pas ces détails intéressants mais le fait de savoir que nous pouvons avoir une relation profonde et durable avec notre Seigneur et Sauveur, Jésus-Christ, qui nous donne confiance dans la validité des Écritures. C’est l’amour des Écritures et du monde de la Bible qui me pousse à continuer d’explorer, d’apprendre et d’élargir mes horizons.

1 Maynard Paul Maidman, Nuzi Texts and Their Uses as Historical Evidence, ed. Ann Guinan (Atlanta: Society of Biblical Literature, 2010), p. 4.

2 James B. Pritchard, ed., Ancient Near Eastern Texts Relating to the Old Testament (Princeton, N.J.: Princeton University Press, 1969), p. 219; John H. Walton, “Genesis,” in Zondervan Illustrated Bible Background Commentary (Grand Rapids: Zondervan, 2009), vol. 1, pp. 84, 85 (citing note 343).

3 Walton, pp. 86, 87; see also Pritchard, p. 220.

4 Traduction de ABC 9 dans A. K. Grayson, Assyrian and Babylonian Chronicles (Winona Lake, Ind.: Eisenbrauns, 2000), p. 114.

5 Joyce G. Baldwin, Esther: An Introduction and Commentary (Leicester, Eng.: Inter-Varsity Press, 1984), p. 68.

6 Le bruleur d’encens de Nippur (B15521) se trouve au Penn Museum.

7 William G. Zimmerle, “From History to Heritage: The Arabian Incense Burner,” in Gulf in World History: Arabian, Persian and Global Connections, ed. Allen James Fromherz (Edinburgh: Edinburgh University Press, 2018), ebook.

8 William F. Albright, “The Lachish Cosmetic Burner and Esther 2:12,” in A Light Unto My Path: Old Testament Studies in Honor of Jacob Meyers, ed. H. N. Bream, R. D. Heim, and C. A. Moore (Philadelphia: Temple University Press, 1974), p. 28.

9 Ibid., pp. 28, 29.

10 Le Relief de Darius I se trouve au Musée Archéologique de Téhéran, https://www.britannica.com/biography/Darius-I. Cylinder seal: https://collections.louvre.fr/en/ark:/53355/cl010147091.

11 Austen Henry Layard, Nineveh and Its Remains, 2nd ed. (London: John Murray, 1849), vol. 1, pp. 1-10.

12 L’un des cylindres se trouve au British Museum (BM 91125).

13 Pritchard, pp. 312, 313; “Verse Account of Nabonidus” (BM 38299).

14 Jonathan Taylor, “The Babylonian Captivity,” in Babylon, ed. I. L. Finkel and M. J. Seymour (Oxford University Press, 2008), p. 145, fig. 128. La tablette se trouve au British Museum (BM 114789).


Constance Clark Gane is professeure adjointe de recherche en archéologie au Séminaire Théologique Adventiste du septième jour, à l’Université d’Andrews.

Traduction: Patrick Luciathe

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