Deux visions concurrentes semblent faire avancer les communicateurs. Peuvent-elles coexister ?
24 Novembre 2024 | Budva, Montenegro | Marcos Paseggi, Adventist Review
Vous avez peut-être entendu l’adage selon lequel, lors d’un programme universitaire ou professionnel, souvent le plus important n’est pas ce qui se passe dans le programme officiel. L’élément crucial, selon cette théorie, se situe plutôt au niveau des discussions imprévues qui ont lieu dans les couloirs, les rencontres de réseautage informelles et ces moments de conversation entamés par hasard qui peuvent faire naitre une idée, déclencher une initiative ou amener une réaction par rapport à une question ou un défi.
La conférence 2024 du Réseau Adventiste Mondial d’Internet (GAiN) Europe qui s’est tenue à Budva, au Monténégro du 15 au 19 novembre, n’a pas fait exception à cet adage. Environ 280 professionnels de la communication et des médias adventistes du septième jour et des dirigeants d’église venus de toute l’Europe se sont réunis pour le forum annuel et le programme de formation, déclenchant des conversations qui ont permis de réfléchir aux défis actuels dans le domaine de la communication et de suggérer une voie à suivre.
Ces conversations souvent informelles cherchaient à imaginer comment la communication adventiste abordera l’avenir, réagira au paysage médiatique en évolution et adoptera ou se désengagera des approches actuelles, tout cela dans le but de faire avancer la mission adventiste.Le modèle actuel de communication et de médias dans un environnement où il faut être les premiers en ligne exige une parfaite connaissance de la manière dont fonctionnent les moteurs de recherche et les algorithmes, a expliqué Sam Neves, directeur adjoint de la communication de la Conférence Générale. Sam Neves, qui étudie le sujet depuis des années, propose un système qui privilégie un référentiel central unique qui pourrait permettre une augmentation exponentielle de l’empreinte numérique adventiste.
« Malheureusement, le paysage médiatique adventiste est très fragmenté, » a expliqué Sam Neves, ce qui n’est pas une bonne chose si vous voulez que votre organisation ou votre ministère apparaisse sur les premières pages d’un moteur de recherche en ligne. Il y a des centaines, voire des milliers, de sites adventistes en compétition pour le même espace, avec des redondances et des chevauchements, ce qui n’est pas du tout efficient, a-t-il dit. Sam Neves n’a pas dénoncé la fragmentation en elle-même. « Pour ce qui est des réseaux sociaux, la fragmentation est la voie à suivre, » a-t-il concédé. Étant donné que les réseaux sociaux sont basés sur des paramètres différents de ceux des autres médias, plus vous êtes fragmenté dans votre approche, plus votre portée sera importante.
Pour défendre son argument en faveur d’une plus grande centralisation, Sam Neves a parlé du parcours d’autres dénominations qui regroupent toutes leurs publications et leurs messages sous une seule marque officielle. « Il n’est pas étonnant que ces [communautés religieuses] soient bien au-dessus des adventistes du septième jour en ce qui concerne la priorité que les algorithmes attribuent à leurs publications et leurs ministères, » a-t-il déclaré.
Les avantages pour la mission seraient multiples, a souligné Sam Neves, car une présence en ligne plus importante aiderait les personnes qui cherchent à entrer en contact facilement avec le message adventiste. « Au lieu de se retrouver sur d’autres pages qui peuvent promouvoir un message non biblique, les personnes qui cherchent des réponses à des questions spirituelles pourraient se familiariser avec le message adventiste et éventuellement entrer en contact avec un évangéliste numérique, » a-t-il déclaré.
Bien que Sam Neves semble avoir raison, la réalité sur le terrain est à plusieurs niveaux et est plus nuancée, ont indiqué plusieurs responsables adventistes de la communication adventiste. En marge du programme GAiN qui se tient au Monténégro, un groupe a partagé ses réflexions avec Adventist Review, la publication phare de l’Église, vieille de 175 ans, qui est elle-même en train d’évaluer et de réinventer son fonctionnement à la lumière des nouveaux développements technologiques et de l’évolution des préférences du public.
La plupart de ceux qui ont donné leur avis ont demandé que leur nom ne soit pas divulgué afin qu’ils puissent discuter du sujet en toute franchise et en toute liberté.
« Je pense qu’il est délicat de comparer l’Église adventiste à d’autres confessions religieuses lorsqu’il est question de la centralisation de la communication, » a déclaré un dirigeant. « L’adventisme va bien plus loin, plus en profondeur et brasse plus largement que les autres dénominations. C’est un système de plus en plus complexe, avec des milliers d’institutions et de ministères répartis dans le monde entier. Certains d’entre eux sont des entités officielles de l’Église, mais beaucoup d’autres sont des ministères de soutien dirigés par des laïcs. Tous sont engagés dans la mission adventiste à un rythme différent, dans des contextes variés et avec des publics cibles extrêmement différents. Penser que l’on peut les mettre tous ensemble dans un sac à taille unique est contre-productif pour la mission. »
Un deuxième responsable de la communication était du même avis. « En plus des bénédictions que Dieu déverse continuellement, l’une des raisons pour lesquelles l’adventisme est vivant et continue d’avancer est… sa capacité donnée par Dieu de se réinventer et de se recréer pour atteindre toutes sortes de publics, des non-chrétiens aux athées en passant par ceux qui ne vont pas à l’église, » a-t-il déclaré. L’inventivité adventiste dépend de ce réseau relativement large de personnes engagées dans une cause dans un contexte local ou de niche a-t-il souligné.
Le même dirigeant a cité en exemple une initiative de l’Église adventiste en Autriche, qui a été présentée en première lors du programme GAiN qui se tient au Monténégro. Dans ce cadre un groupe de créatifs de médias a produit une vidéo qui partage en quelques minutes les 28 croyances adventistes d’une manière jamais réalisée auparavant.
« Cette superbe production n’a probablement pas beaucoup de sens dans les régions ecclésiales où les publics post-chrétiens et séculiers ne représentent pas une part importante de la population, » a-t-il déclaré, citant son rythme extrêmement rapide, ses graphismes de pointe et son approche basée sur les symboles. « C’est une production finement ciblée. »
Carlos Magalhaes, directeur des stratégies numériques du réseau de télévision Novo Tempo au Brésil, semblait aller dans le même sens. Carlos Magalhaes a fait la promotion du service de réseau de streaming Feliz7Play lors du programme GAiN qui a eu lieu au Monténégro. Le service de streaming, basé au Brésil, produit des films, des séries ou des options animées originales qui sortent tous les vendredis. « Je dois cependant donner quelques mots d’avertissement, » a-t-il dit aux communicateurs adventistes. « Certains des contenus que nous produisons incluent des éléments culturels qui peuvent ne pas convenir à vos publics [dans d’autres parties du monde]. Ils sont davantage basés sur un contexte local ou régional. »
Et qu’en est-il du potentiel missionnaire de la centralisation ? « À l’heure actuelle, dans mon pays, partager quoi que ce soit d’« officiel, » en particulier ce qui viendrait de notre siège [de la Conférence Générale] aux États-Unis, est contre-productif pour la mission, » a expliqué un autre responsable de la communication. « Le contenu que nous partageons est motivé par la mission et est pensé pour la mission, mais il se concentre sur notre contexte local. En ce sens, tout article ou toute production de médias qu’on place dans une base centrale sous la marque officielle de l’Église est un élément perdu, » a-t-il déclaré.
Dans un environnement apparemment aussi contradictoire, certains communicateurs adventistes pensent que la réponse à cette tension entre centralisation et localisation pourrait se trouver plutôt à un point médian entre des options concurrentes. « La flexibilité, et non l’hégémonie, est la clé, » a déclaré l’un d’eux. « Une emphase générale sur la marque qui permet de trouver des moyens uniques d’aborder les réalités de la communication dans les contextes locaux, voilà la réponse. »
Il y a au moins une raison essentielle pour laquelle il faut s’efforcer de trouver cet équilibre, a souligné le même responsable de la communication. « Au final, tout ce que nous faisons doit être mesuré à l’aune de la question ultime à laquelle chaque chrétien adventiste doit répondre, à savoir : « Comment mon bureau, mon département ou mon ministère – mon coin dans le monde – contribue-t-il à accomplir la mission de l’Église qui consiste à proclamer l’évangile d’une manière qui puisse amener la seconde venue de Jésus ? »
Traduction: Patrick Luciathe