Le 20 septembre 2023 | Silver Spring, Maryland, États-Unis | Alistair Huong pour le magazine Adventist World
« Alors, que faites-vous dans la vie? »
Combien de fois avons-nous posé ou nous sommes-nous fait poser cette question apparemment inoffensive lors d’une première rencontre avec quelqu’un? Portant généralement sur notre profession ou notre carrière, cette question révèle une supposition inconsciente que notre identité est inextricablement déterminée par ce que nous faisons dans la vie.
Le travail est une bonne chose. Dieu nous a donné du travail à faire dans le jardin, et c’est l’une des institutions qui est demeurée après la Chute, quoiqu’avec plus de sueur qu’avant (Genèse 3.17-19). En fait, il est évident dans la Bible que « tout travail procure un profit » (Proverbes 14.23, SG21) et que « si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Thessaloniciens 3.10, LSG). De plus, il est audacieusement écrit que « si quelqu’un n’a pas soin des siens, et principalement de ceux de sa famille, il a renié la foi, et il est pire qu’un infidèle » (1 Timothée 5.8, LSG).
Donc, pourvoir aux besoins de sa famille est certainement honorable, et cela exige du travail afin de gagner de l’argent. Après tout, Dieu nous a lui-même rappelé que « c’est lui qui te donnera de la force pour acquérir [des richesses] » (Deutéronome 8.18, LSG), et il encourage ses serviteurs à augmenter leurs talents (Matthieu 25.26, 27).
De ce fait, les chrétiens qui croient en la Bible ne devraient-ils pas poursuivre le travail et les richesses pour la gloire de Dieu? Évidemment. Mais est-il possible que ce que nous appelons aujourd’hui « travail » ait complètement changé?
Le « workisme » et l’adoration
C’est dans un article écrit en 2019 que The Atlantic a inventé le terme « workisme », défini comme étant « la croyance selon laquelle l’emploi n’est pas nécessaire que pour la production économique, mais qu’il est également au cœur de l’identité et de la raison d’être d’une personne ».1 L’identité et la raison d’être sont des choses que l’on considère souvent dans le contexte de la religion. Serait-il possible que beaucoup, dans la société occidentale, se tournent vers le travail pour pallier ce que la foi devrait nous offrir? En fait, c’est justement l’argument défendu dans ce même article. « Au cours du dernier siècle, la conception américaine du travail est passée d’occupation à carrière à appel — de la nécessité au statut à la raison de vivre. »2
« Les longues heures de travail font sans doute partie d’une course à l’armement pour le statut et le revenu chez les élites fortunées. Ou peut-être que la logique ici n’a rien d’économique. Peut-être que c’est totalement émotif, voire spirituel. Les Américains les mieux éduqués et les plus riches, ceux qui peuvent avoir tout ce qu’ils veulent, ont choisi le bureau pour la même raison que les chrétiens dévoués vont à l’église le dimanche : c’est là où ils se sentent le plus eux-mêmes. »3
Est-il étonnant que bon nombre des héros les plus adulés de la société moderne soient les décideurs, les entrepreneurs, les dirigeants et les magnats d’entreprise les plus explosifs, coûteux et travaillants? Ils sont considérés comme des modèles de réussite, des « établisseurs » de seuils de quantité de travail, leur richesse faisant l’envie de tous.
Il est évident que ces valeurs s’imprègnent dans la culture lorsque les gens commencent, aussi tôt que vers le début de l’école secondaire, à dire fièrement combien ils sont pris par les travaux scolaires, les leçons de musique, le sport et la myriade d’autres activités parascolaires. Apparemment, « l’affairement » est devenu une vertu, un badge d’honneur à être affichée comme un écusson sur notre écharpe d’Explorateurs.
Ou n’est-ce que notre veau d’or des temps modernes?
Nous adorons tous quelque chose, et la nature humaine est encline à adorer l’objet duquel elle puise son identité.
Est-ce que beaucoup d’entre nous, même ceux qui ont le bonheur d’occuper des postes « ministériels », vivraient dans un monde où l’éthique de travail protestante aurait été remplacée par la religion du workisme et l’Évangile substitué par le rêve américain, là où le simple fait d’être occupé pour Dieu serait adoré à la place de Dieu lui-même?
L’idolâtrie de Laodicée
Les Laodicéens sont « riches et enrichis, n’ayant besoin de rien » (Apocalypse 3.17). Est-il possible que bien des gens ne ressentent aucun besoin d’identité ou de raison d’être de la part de la Source éternelle, parce qu’ils sont trop occupés à tenter de trouver l’épanouissement dans leur profession et les biens qu’ils peuvent se procurer? Serait-ce possible que l’agitation et l’occupation aient tu les légers coups de Jésus sur la porte?
Le travail est une bénédiction de Dieu et devrait être entrepris pour sa gloire et l’avancement de son royaume, mais lorsqu’on en fait une mauvaise utilisation, il prend la forme d’un dieu — dieu d’ailleurs non moins volage et capricieux que les dieux païens d’autrefois. « Tout ce que vous faites, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur et non pour des hommes, sachant que vous recevrez du Seigneur l’héritage pour récompense. Servez Christ, le Seigneur. » (Colossiens 3.23, 24, LSG)
Le sabbat : une pause de travail pour le repos et l’adoration
Au cœur du message des trois anges, il y a cet appel à adorer notre Créateur (Apocalypse 14.7), un rappel distinct du sabbat.
Et comme les six jours de travail sont intégrés au commandement du sabbat, la réelle observation du sabbat exige un réel travail. Mais le sabbat est la soupape d’échappement d’une journée par semaine qui nous permet de pratiquer la tempérance dans le travail et qui nous rappelle Celui qui est réellement digne de notre adoration. Il remet le travail dans le contexte dans lequel il a été donné aux humains et il rétablit la raison pour laquelle un Créateur bienveillant nous l’a donné au départ. Et par-dessus tout, il nous rappelle la source de notre vraie identité — fils et filles de Dieu — d’abord par création, puis par rédemption.
1 https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2019/02/religion-workism-making-americans-miserable/583441/
2 Idem.
3 Idem.
Traduction : Marie-Michèle Robitaille