Où sont passés les Desmond Doss ? Desmond Doss était un médecin de l’armée américaine qui, durant la deuxième guerre mondiale, a refusé de porter les armes. Il a par ailleurs reçu la médaille de l’honneur du Congrès pour avoir secouru, à lui seul, soixante-quinze soldats blessés au cours d’un bombardement aérien ennemi, sur l’île d’Okinawa au Japon. Il incarne la position traditionnelle que recommande l’église adventiste en cas de guerre. Depuis les débuts de l’adventisme, les recommandations officielles et l’attitude des membres ont généralement reflété le même engagement pour la non-violence. Aujourd’hui pourtant, on estime à 7 500 le nombre d’adventistes engagés dans l’armée américaine. L’aumônier Gary R. Councell, directeur adjoint des Ministères de l’Aumônerie adventiste pour l’Eglise adventiste mondiale, déclare que toutes ces personnes se sont enrôlées en tant que soldats. G. Councell a observé que, dans d’autres pays, les adventistes servent aussi leur armée respective de façon volontaire. Cependant, Reinder Bruinsma, président de l’Eglise adventiste en Hollande, n’est pas d’accord. « Je ne peux parler que sur la Hollande », dit-il, « mais je pense que l’attitude européenne face à un engagement dans l’armée, à des postes de combat, se rapproche davantage de la tradition adventiste que du comportement américain. Ce changement d’attitude parmi les adventistes, à savoir de combattre pour son pays, est un phénomène typiquement américain ». Ekkehardt Mueller, directeur adjoint de l’Institut de Recherche Biblique, fait écho à ce comportement. Il maintient qu’il y a eu, en Allemagne, un effort conscient de l’Eglise pour décourager l’enrôlement dans l’armée. « De mon expérience en tant que dirigeant à l’Union et à la Division et en tant que pasteur en Allemagne, je ne connais qu’un seul adventiste qui ait rejoint l’armée en tant que soldat ». R. Bruinsma affirme que l’Europe n’offre pas de proposition, ce qui pousse à éliminer la question du service militaire. G. Councell et Doug Morgan, directeur de l’Association Adventiste pour la Paix, pensent que l’absence de proposition influencerait différemment l’implication des adventistes dans l’armée des Etats-Unis. En fait, la plupart des universitaires citent les années 70 (plus précisément l’année 74), comme tournant décisif en ce qui concerne les attitudes des adventistes envers l’armée. D. Morgan commente : « l’idéal, ce n’est pas d’avoir une sorte de loi absolue faite par l’église. Dans des situations différentes et sous des types de gouvernement différents, les gens font de leur mieux en accord avec leur conscience ». Avant les années 70, pour la majorité des adventistes, il était inconcevable qu’un membre d’église pratiquant se porte volontaire pour aller combattre. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Dans beaucoup de pays, comme en Corée notamment, le service militaire obligatoire reste un problème difficile à gérer. Dans ces pays-là, les adventistes sont encore confrontés à des lois strictes et à l’opposition qui, le plus souvent, leur valent un séjour en prison, où l’observation du sabbat et le respect des lois alimentaires sont extrêmement difficiles à vivre. A l’opposé, des pays comme Israël ont besoin que les citoyens soient réservistes et donc susceptibles d’être appelés jusqu’à l’âge de 50 ans. Evidemment, « de nombreuses considérations légales, morales et d’ordre pratique sont à prendre en compte, en matière de service militaire à l’échelle mondiale ». R. Councell dit que maintenir une neutralité totale est bien difficile, dans un monde de plus en plus violent et inconstant. Déterminer pourquoi les comportements ont changé intrigue R. Councell. Il tient pour responsables, notamment, les conditions socio-économiques actuelles : par exemple, le coût exorbitant des universités aux Etats-Unis et la promesse du gouvernement d’aider à couvrir les frais, en échange d’un engagement militaire. Les adventistes actuels « sont enclins à ignorer le sujet et ne s’attaquent plus au service militaire en terme d’éthique ». R. Councell a remarqué que les jeunes d’aujourd’hui, y compris les adventistes, voient souvent l’armée comme une possibilité de gagner leur vie. Pourquoi ? Parce qu’elle offre stabilité et un sentiment d’appartenance, selon R. Councell. R. Bruinsma précise que si un jeune adventiste en Hollande choisissait d’entamer une carrière militaire, « cela serait vraiment considéré comme très inhabituel ». Il continue : « en Europe, le sentiment qu’être militaire n’est pas en accord avec les principes adventistes persiste. Beaucoup de personnes sont bien conscientes que cette façon de voir les choses pose potentiellement des problèmes. Que penser alors de la police et des autres fonctionnaires ? Allons-nous laisser ces métiers pour les autres et profiter de ce qu’ils font ? C’est un véritable problème. Pourtant, je crois que les adventistes européens sont de loin plus réticents à s’engager dans l’armée que leurs confrères américains ». Cependant, cela ne signifie pas que les adventistes européens ne se trouvent jamais impliqués militairement. Roman Chalupka, secrétaire de l’Eglise adventiste en Pologne, rapporte que quelques jeunes polonais adventistes ont choisi de rejoindre l’armée. Il s’agit de « leur décision et responsabilité propre ». Il explique que l’Eglise polonaise ne préconise pas de s’engager dans l’armée mais elle ne « pousse personne non plus à éviter l’armée ». A propos des jeunes adventistes américains engagés, R. Councell s’inquiète que beaucoup s’enrôlent sans même penser sérieusement aux conséquences. Larry Roth, ancien aumônier de la Navy et membre de l’Association Adventiste pour la Paix, est d’accord avec R. Councell. « C’est tout à fait compréhensible que peu de nos jeunes voient l’armée comme négative. Pratiquement aucune formation ou information sur le sujet n’est donnée, et très peu de personnes dans l’église sont compétentes et disponibles pour aider les jeunes qui se posent des questions. Ces jeunes gens ne sont pas conseillés, que ce soit à l’école, à l’église ou dans leur famille. Une fois qu’ils ont postulés auprès du recruteur, c’est trop tard ». Les aumôniers L. Roth et R. Councell insistent sur le fait que ce problème est un problème de conscience. « L’église devrait les aider quelque soit la décision qu’ils aient prise », dit L. Roth après des années passées auprès des jeunes en tant qu’aumônier. R. Councell dit qu’après tout, ce n’est pas juste d’isoler le problème de la non-violence. Le relâchement des comportements est le symptôme d’un problème plus profond : une modification globale des valeurs de l’adventisme, reflet de l’influence des courants socioculturels actuels. Parlant de la relation de cause à effet possible entre le contexte culturel d’une personne et sa position en matière de non-violence, R. Bruinsma dit que « les choses sont en général un peu plus compliquées que cela. L’attitude générale et la relation envers le gouvernement s’avèrent être très différentes en Amérique » indique R. Bruinsma. Parce que la question de la non-violence est de façon inhérente une question de conscience, et que les opinions sont très partagées, ce sujet va probablement continuer à déclencher le débat parmi les leaders de l’Eglise et les universitaires. E. Mueller précise : « Nous nous devons, en tant qu’église mondiale, de nous écouter les uns les autres. Il y a des problèmes en Amérique tout comme en Europe, et les leaders feraient bien de s’écouter pour considérer ce qu’ils ont à se dire ». Lors d’une récente conférence de presse donnée au Cameroun par le pasteur Jan Paulsen, président de l’Eglise adventiste mondiale, celui-ci a fait remarquer « qu’utiliser des armes est une solution inhumaine pour résoudre les conflits. Il y a une meilleure façon de vivre ensemble que de faire la guerre : c’est de co-exister ». R. Councell conseille : « nous devons chercher, en priant, des conseils moraux et spirituels concernant ce sujet. Diverses opinions et points de vue sont possibles. Nous sommes tous adultes et les situations s’imposent souvent à nous ». Mais cela ne modifie en rien notre engagement intrinsèque pour le bien-être de l’humanité. R. Councell croît que l’engagement appelle quelquefois l’action. « Nous avons l’obligation morale de défendre les innocents et ceux qui ont besoin d’aide, et si vous négligez cela, je pense que vous avez manqué à votre devoir. Pourtant, les aumôniers ne préconisent pas de tuer ou d’utiliser les armes ou la force. Tuer en temps de guerre peut s’avérer nécessaire dans certains cas, mais cela ne veut pas dire que ça ne laisse pas de traces, au contraire ». L’idéal est bien-sûr de trouver une façon non-violente de protéger et d’aider les innocents, comme l’ont fait Desmond Doss ou John Weidner, néerlandais qui a construit un souterrain pour sauver presque 1 000 juifs et autres réfugiés durant la deuxième guerre mondiale. En référence à J. Weidner, R. Councell dit : « Voilà un homme qui, au beau milieu d’une tragédie, a trouvé un moyen de sauver la vie au lieu de la prendre ». C’est cette sorte d’amour qui ressemble au sacrifice du Christ, et cette compassion pour l’humanité que D. Morgan espère voir chez les adventistes. Il conclut : « Je pense qu’il serait vraiment malheureux que les dilemmes moraux, tel que le service militaire, supplantent l’essentiel, à savoir, suivre Jésus, engager chaque jour notre vie dans des chemins de paix et être authentique face à l’agenda de son royaume. Réaliser cela pourrait faire une grande différence pour notre oeuvre de témoignage sur cette terre ».Copyright © 2006 Adventist News Network.

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