Le 3 août 2020 | Silver Spring, Maryland, États-Unis | DeWitt S. Williams

Cet article provient de l’Encyclopedia of Seventh-day Adventists (ESDA), accessible gratuitement sur encyclopedia.adventist.org.

James Elisha Patterson fut le premier adventiste du septième jour noir à sortir des États-Unis comme missionnaire étranger.

Premières années et conversion

Né le 15 novembre 1857 sur l’île de Saint-Vincent, dans les Antilles britanniques, James Patterson est arrivé aux États-Unis en 1874 à l’âge de seize ans. Il s’est d’abord installé à New York avant de migrer en Californie. Lui et sa femme, Mary, née à Jamestown, en Virginie en 1855, ont eu au moins quatre enfants. La première, Alberta, est née en 1883 à Battle Mountain, au Nevada, puis leurs fils Walter (1890), William (1891) et James (1894) sont tous nés en Californie. M. Patterson a été naturalisé en Californie le 5 octobre 1899.1

Jeune homme, il est devenu marin, puis cuisinier avant d’atteindre le statut de chef. Il a ensuite été le premier homme noir à être embauché par la Pacific Mail Steamship Company (« Société de courrier par bateau à vapeur du Pacifique »). Il a prospéré financièrement et a acheté une maison sur la rue Mason à San Francisco. Puis il a fait croître ses revenus avec la pratique lucrative, mais immorale, d’introduction clandestine aux États-Unis de travailleurs chinois mal payés et souvent opprimés.2

 

James Elisha Patterson. Une photo offerte par DeWitt S. Williams.

À un certain moment avant 1892, il a changé le cap de sa vie après avoir été balancé par-dessus bord lors d’une violente tempête dans l’océan Indien, puis repoussé dans le navire par une autre énorme vague. Convaincu d’avoir été rescapé de manière miraculeuse par la miséricorde de Dieu, il a consacré le reste de sa vie à son service et est ensuite devenu adventiste du septième jour. 3 Il a donné une grande partie de sa richesse à l’Église et est devenu colporteur. Avec sa famille, il a dû déménager plusieurs fois et leurs conditions de vie se sont détériorées.4

L’adventisme en Jamaïque

Lorsque M. Patterson est allé en Jamaïque en juin 1892 pour y diffuser le messager adventiste en vendant des livres, l’île ne comptait aucune église ni présence adventiste. Plus tôt cette année-là, Lewis Chadwick, président de l’International Tract and Missionary Society, avait passé 18 jours en Jamaïque lors d’un long voyage pour identifier les pays où le message adventiste avait les meilleures chances d’être entendu. Il a ensuite recommandé l’envoi d’un « colporteur expérimenté » pour présenter l’adventisme à cette nation par la vente de livres. Il a vu la Jamaïque comme un « terrain rempli d’espoir » tout en ajoutant ceci :

Celui qui ira y travailler doit s’attendre à rencontrer de nombreuses difficultés inconnues à la maison et doit être prêt à travailler dur et à persévérer afin de réussir sa mission. La bonne personne aura la chance de faire du bien. J’espère et je prie que le Seigneur, qui l’enverra, dirigera lui-même la sélection d’un candidat dévoué à la vente de livres sur cette île.5

Lors de ses premiers mois en Jamaïque, l’accès aux propriétaires blancs des grandes plantations a été l’un de ses plus grands problèmes. Dans une lettre envoyée le 7 septembre au bureau de l’International Tract and Missionary Society à Battle Creek, au Michigan, il disait,

Je dois travailler principalement auprès de la deuxième et de la troisième classe de la population. Très souvent, je dois envoyer le livre à l’intérieur pour qu’il soit examiné et attendre à l’extérieur. Une personne blanche aurait la permission d’entrer pour présenter les livres et pourrait ainsi susciter un intérêt puis certainement prendre une commande qu’elle n’aurait aucune difficulté à livrer. Pour ma part, je dois composer avec de nombreux reports, car je ne peux travailler presque exclusivement auprès des gens plus pauvres… Je suis très reconnaissant pour les livrets et les prospectus que j’ai reçus avec ma commande de livres; ils font beaucoup de bien.6

Malgré les difficultés, son travail commençait à porter du fruit : « Cinq ont accepté la vérité, se sont joints à nous pour le culte du sabbat dernier et nous ont accompagnés hier soir à la rencontre de prière. De nombreux pasteurs mettent leurs assemblées en garde contre la lecture des mauvais livres qui se propagent dans la ville. »7

En 1893, d’autres colporteurs, un jeune pasteur, Albert James Haysmer, et sa femme sont venus en Jamaïque pour faire avancer le travail entamé par M. Patterson. Une église de 35 membres a été organisée à Kingston en 1894 avant de passer à 74 membres l’année suivante.8

M. Patterson a eu beaucoup de succès, surtout en vendant le livre Bible Readings for the Home Circle. Les effets d’un seul exemplaire sont devenus évidents quatre ans plus tard lorsque le pasteur Haysmer a rencontré un jeune ancien capitaine de l’Armée du salut dans South Field. Dans une maison où il était en visite, le jeune homme a remarqué le livre que M. Patterson avait vendu et a commencé à l’examiner.

Il est accidentellement tombé sur la question du sabbat et, en lisant, s’est demandé, Que cela peut-il bien vouloir dire? Il a emprunté le livre et l’a étudié attentivement. Puis, dans l’honnêteté, il a évidemment accepté la vérité. Il a rapidement dévoré le message jusqu’au débordement, a été renvoyé de l’Armée [du salut], mais pas avant d’y avoir présenté la lumière que Dieu lui avait donnée. Plusieurs mois ont passé et, grâce à ses efforts soutenus, vingt personnes ont commencé à observer le sabbat avec lui.9

Cuisinier sur le Pitcairn et chef de sanatorium

En 1896, M. Patterson était cuisinier et coordonnateur du cinquième de six voyages missionnaires du navire Pitcairn à l’île Pitcairn et d’autres îles du sud du Pacifique. Le navire a quitté le quai d’Oakland, en Californie, le 19 mai 1896 pour revenir en novembre de la même année.10

Bien qu’il figurât sur la liste des membres de l’équipage, mais non sur celle des pasteurs, du personnel médical et des enseignants qui composaient l’équipe missionnaire, il a tout de même fait ce qu’il faisait de mieux, c’est-à-dire propager le message adventiste par la documentation. « Certains membres de l’équipage avaient adopté un rôle de premier plan dans la vente de livres chrétiens », a écrit Herbert Ford dans ses récits de voyage du Pitcairn.11

De 1899 à au moins 1902, M. Patterson a également travaillé comme chef cuisinier du sanatorium Saint Helena, dans le nord de la Californie. Plusieurs de ses recettes végétariennes ont d’ailleurs été publiées dans le Signs of the Times et le Pacific Health Journal.12

 

Dentiste missionnaire au Panama

En 1910, l’esprit de colportage l’ayant remué à nouveau, c’est au Panama qu’il a débarqué pour sa mission suivante. Son premier rapport de vente : 37 heures de travail, 56 commandes de Heralds et 8 commandes de Coming King en espagnol. Comme il parlait couramment l’espagnol, la langue ne l’a pas freiné au Panama. D’ailleurs, il parlait également le français et l’allemand.13

Quelques mois plus tard, Charles F. Innis, qui était responsable du travail littéraire au Panama, a dit ceci :

Le frère Patterson commencera bientôt à travailler dans la ville de Panama avec Salud y Hogar (« Santé et foyer »). Ensuite, nous prévoyons de l’envoyer à Carthagène, en Colombie. Il s’agira d’un travail de pionnier pour lui. Récemment, il a pris des commandes dans le bâtiment gouvernemental de Colon, auprès du gouverneur, du secrétaire d’État et d’autres représentants gouvernementaux.14

En 1915, il est tombé gravement malade et a passé trois ans à l’hôpital de la Marine des États-Unis à San Francisco. Il y travaillait comme gardien tout en recevant des traitements pour sa « tuberculose chronique ». En 1918, désirant se rendre encore une fois dans les Antilles, il a fait la demande d’un nouveau passeport. Une lettre du Service de santé publique des États-Unis a joint à sa demande une note de recommandation : « Il désire ardemment aller à Saint-Vincent dans les Antilles pour le bienfait de sa santé, et nous croyons que ce voyage lui fera du bien. »15

Quelques mois plus tard, une demande dans la section « Recherché pour la mission » du numéro du 12 août 1919 du Signs of the Times a témoigné du fait que, en plus des avantages pour sa santé, la mission demeurait le principal moteur de ce voyage : « J. E. Patterson, Kingstown, Saint-Vincent, Antilles britanniques, désire obtenir des exemplaires propres du magazine Signs, des prospectus, Life Boat et d’autres de nos publications pour un effort missionnaire auprès de cette population. À envoyer par poste prépayée. »16

Il s’agit de la dernière mention de James Patterson découverte à ce jour dans les sources adventistes. Par contre, l’autobiographie de son fils, William L. Patterson, révèle que son père avait suivi un cours de dentisterie aux États-Unis et qu’il avait ouvert une clinique dentaire au Panama pour subvenir à ses besoins et financer ses activités missionnaires.

Héritage

William Patterson a rejeté les enseignements religieux de son père et a consacré sa vie à la politique radicale. Il est devenu un éminent dirigeant du Parti communiste des États-Unis et chef de l’International Labor Defense, qui offrait une représentation légale aux communistes, aux syndicalistes et aux Afro-Américains en cas de persécution politique ou raciale, comme l’accusation des neuf garçons de Scottsboro dans les années 1930.

En 1922, il est passé par la ville de Panama et y a rencontré son père. Les deux hommes ne s’étaient pas vus ni parlé depuis plusieurs années. Les absences du père qui duraient des années à la fois lors de ses voyages missionnaires avaient également créé une distance entre lui et son fils.

Ne sachant pas que son père souffrait de tuberculose, il avait remarqué qu’il « était terriblement amaigri et qu’il avait l’air très malade. » Malgré cela, il était impressionné par ses réalisations : « Le garçon illettré qui avait commencé comme marin de Kingston était maintenant dentiste. » De son point de vue, son père avait été « oublié par l’Église à laquelle il avait donné sa vie et tout ce qu’il possédait. »

Ils ont discuté pendant une heure, puis se sont dit au revoir. Ensuite, « Il s’est agenouillé pour prier pour moi. Nous ne nous comprenions pas plus que dans mon enfance, mais je l’admirais. Il était un homme. Il était, selon sa lumière, un homme bon, même si sa façon de penser m’était totalement étrangère. »17

Peu de temps après, James Patterson est retourné en Jamaïque, où il est décédé en 1922.18 Bien que n’ayant jamais été consacré, accrédité ou salarié, il fut le premier adventiste du septième jour afro-américain à entreprendre un travail missionnaire à l’étranger. En plus, il a introduit l’adventisme en Jamaïque, où l’Église adventiste du septième jour rapportait, en 2018, plus de 314 000 membres, soit 10,7 % de la population totale.19

 

Traduction : Marie-Michèle Robitaille

Sources

“75-50-25 Years Ago.” ARH, May 23, 1946.

Chadwick, L. C. “Jamaica.” The Home Missionary, April 1892.

“Extracts From Letters.” The Home Missionary, November 1892.

Ford, Herbert. “Pitcairn Island and Pacific Union College.” Pitcairn Islands Study Center, Pacific Union College. Accessed March 4, 2020. https://library.puc.edu/pitcairn/studycenter/pit_puc.shtml.

Haysmer, A. J. “Jamaica.” ARH, October 5, 1897.

Haysmer, A. J. “The Jamaican (West Indies) Mission Field.” The Home Missionary, July 1895.

Horne, Gerald. Black Revolutionary: William Patterson and the Globalization of the African American Freedom Struggle. Urbana, Chicago, and Springfield: University of Illinois Press: 2013.

Innis, Chas F. “Pacific Press Notes.” Pacific Union Recorder, July 21, 1910.

“Pacific Press Items.” Pacific Union Recorder, March 3, 1910.

Patterson, J. E. Recipe articles in Pacific Health Journal: January, February, and March 1899; June 1902.

Patterson, William L. The Man Who Cried Genocide. New York: International Publishers, 1971.

Williams, DeWitt S. Precious Memories of Missionaries of Color, Vol. 2. TEACH Services, Inc., 2015.

Références

  1. Renseignements sur la vie de famille tirés des demandes de passeports de James E. Patterson, copies en possession de l’auteur.
  2. William L. Patterson, The Man Who Cried Genocide (New York: International Publishers, 1971), 18-19; Gerald Horne, Black Revolutionary: William Patterson and the Globalization of the African American Freedom Struggle (Urbana, Chicago, and Springfield: University of Illinois Press, 2013), 15.
  3. Patterson, 19-20.
  4. Horne, 15-17.
  5. L. C. Chadwick, “Jamaica,” The Home Missionary, April 1892, 90-91.
  6. “Extracts From Letters,” The Home Missionary, November 1892, 262.
  7. Idem.
  8. A. J. Haysmer, “The Jamaican (West Indies) Mission Field,” The Home Missionary, July 1895, 21.
  9. A. J. Haysmer, “Jamaica,” ARH, October 5, 1897, 635.
  10. “75-50-25 Years Ago,” ARH, May 23, 1946, 2.
  11. Herbert Ford, “Pitcairn Island and Pacific Union College,” Pitcairn Islands Study Center, Pacific Union College, accessed March 4, 2020, https://library.puc.edu/pitcairn/studycenter/pit_puc.shtml.
  12. Signs of the Times, 1899: June 28, 429; August 2, 509; August 16, 541; November 1, 717; J. E. Patterson, “New Year’s Menu,” Pacific Health Journal, January 1899, 14-15; J.E. Patterson, “Some Recipes,” Pacific Health Journal, February 1899, 32; J.E. Patterson, “Recipes,” Pacific Health Journal, March 1899, 49; J. E. Patterson, “Patties and Gems,” Pacific Health Journal, June 1902, 28.
  13. “Pacific Press Items,” Pacific Union Recorder, March 3, 1910, 2; W. Patterson, 20.
  14. Chas. F. Innis, “Pacific Press Notes,” Pacific Union Recorder, July 21, 1910, 2-3.
  15. G. Parcher, Assistant Surgeon in Temporary Charge, U. S. Marine Hospital, San Francisco, California, December 12, 1918, copy in author’s possession.
  16. “Wanted for Missionary Work,” Signs of the Times, August 12, 1919, 15.
  17. W. Patterson, 46-47.
  18. Idem; Horne, 16.
  19. 2019 Annual Statistical Report, Office of Archives, Statistics and Research, General Conference of Seventh-day Adventists, 5, accessed March 4, 2020, http://documents.adventistarchives.org/Statistics/ASR/ASR2019A.pdf; “Population of Jamaica (2020 and historical),” Worldometer, accessed March 4, 2020, https://www.worldometers.info/world-population/jamaica-population/.

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