Pasteur Pedro Torres, directeur de la communication pour l’Union Franco-Belge, assis dans l’arrière-cour de sa maison en France et il partage son expérience difficile avec le Covid-19, sept semaines après avoir été contaminé par le virus en mars 2020. [Photo : Pedro Torres]

11 Mai 2020 | Paris, France | Par : Pedro Torres, pour le Pôle Informations de la Division Inter Américaine

Je suis parvenu au terme d’une longue bataille contre le COVID-19 qui a duré près de huit semaines. Il m’est encore difficile de me tenir debout car je me sens faible et je souffre de vertiges, ce qui rend les tâches quotidiennes les plus simples risquées. Même lorsque je suis assis, je souffre toujours de maux de tête soudains et d’étourdissement constant.

Au cours des deux derniers mois, j’ai passé près de sept semaines au lit, ce qui a transformé ma façon de voir la vie et ses priorités. En cela, je ne suis pas un cas unique. Les gens parlent d’un « monde post-COVID-19, » car le monde ne sera plus jamais le même. Nos vies, collectivement et personnellement, ne seront plus les mêmes. Tout comme le 11 septembre 2001 a changé le monde pour de bon, le virus actuel a un effet similaire.

Le samedi 14 mars, je me suis soudain sentie asphyxié. J’étais chez moi quand, sans avertissement, j’ai senti que je ne pouvais pas respirer. Au début, je pensais que c’était un problème cardiaque, chose que j’avais déjà ressenti dans le passé, mais ensuite j’ai réalisé que cette fois c’était différent. Je me suis levé pour respirer et je suis même allé dans mon jardin en essayant de prendre une bouffée d’air. J’ai trouvé très difficile de me remplir les poumons et j’avais vraiment peur. J’ai pensé que je m’évanouirais bientôt, mais le Seigneur m’a gardé en vie. La fièvre est venue plus tard avec une longue liste de symptômes – toux, larmes aux yeux, perte de l’odorat, eczéma cutané, tachycardie, bradycardie, et douleurs dans tout le corps, comme si quelqu’un le martelait avec des clous.

Tout au long de ma vie, j’ai côtoyé la mort de près à plusieurs reprises. Au cours de ces dernières semaines, j’ai vu la mort de près une fois de plus lorsque mon rythme cardiaque est passé soudainement de 100 à 40 battements ou moins par minute. J’ai essayé d’augmenter mes battements cardiaques en me mettant en hyperventilation mais c’était aussi difficile à cause de mes poumons endommagés. J’avais peur de m’endormir car j’étais convaincu qu’avec un rythme cardiaque aussi faible, mon cœur s’arrêterait si je m’endormais. C’est une vraie peur que j’ai ressenti pendant ces deux semaines, peur de perdre soudainement la vie.

Dans des moments comme ceux-ci, vous criez au Seigneur, sentant que dans seulement quelques secondes, vous pourriez arrêter de respirer pour toujours. On pourrait penser que toutes ces promesses bibliques comme les Psaumes 91, 89, 23, que nous nous envoyons par le biais des médias sociaux, des SMS, et d’autres moyens, viendraient à l’esprit, mais lorsque vous avez du mal à respirer, les promesses bibliques passent au second plan. C’est quelque chose que je trouve difficile à expliquer
. Bien sûr, chacun vit une expérience différente.

J’ai appris de cette expérience que je devrais m’abstenir de critiquer ceux qui sont malades et ne peuvent pas réciter des textes de la Bible pour s’encourager. Je voudrais donc remercier ceux, peut-être des centaines et des milliers, qui me suivent sur mes réseaux sociaux, les gens qui ont prié pour moi et pour la santé de ma famille. Il nous est dit dans la Bible que nous devons prier les uns pour les autres.

Ce que j’ai trouvé utile dans ces moments d’agonie, ce sont mes souvenirs. C’est incroyable de voir comment vous commencez à passer en revue votre passé en quelques secondes, quand vous ressentez que votre vie s’en va. Alors que je revoyais mes souvenirs, j’ai trouvé d’autres « promesses » qui m’ont vraiment donné le courage de continuer. Je me suis souvenu comment le Seigneur avait miraculeusement préservé ma vie lors d’occasions précédentes.

Permettez-moi de partager quelques-unes d’entre elles avec vous. Je me suis souvenu qu’en 1994, je faisais partie d’une équipe d’ADRA au Rwanda pour aider au milieu d’une guerre civile qui s’est terminée par un génocide. Pendant ces mois, le Seigneur m’a guéri du paludisme, au milieu de la jungle, là où il n’y avait pas de routes, grâce à un médicament qui, je l’ai appris plus tard, n’était pas le bon. Ce fut un miracle. Une autre fois, alors que nous roulions sur les routes à travers la jungle, un jeune soldat a essayé de nous voler. Il a placé sa mitrailleuse sur mon visage alors que je refusais de lui donner quoi que ce soit car ce véhicule et mon groupe travaillaient pour ADRA et pour Dieu. Alors qu’il continuait de me tenir en joue, je lui ai répondu avec colère. Il a eu tellement peur qu’il nous a laissé poursuivre notre chemin. Plus tard, mon équipe, y compris ma femme (qui était ma petite amie à l’époque), m’a montré à quel point j’avais été imprudent, car il aurait pu me tirer dessus d’un simple appui sur la gâchette. Cependant, le Seigneur nous a sauvés de cette situation.

Une autre fois encore, nous nous sommes arrêtés pour un enfant soldat qui n’avait vraisemblablement pas plus de 11 ans. Nous l’avons embarqué dans notre camion et en traversant un nid-de-poule, il a laissé tomber une grenade dans notre véhicule. Nous avons survécu à cet incident. Une autre fois, nous sommes arrivés sans le savoir dans un champ de mines. Notre guide local, vraiment effrayé, m’a fait arrêter tout de suite et m’a supplié de revenir sur les mêmes traces que nous avions laissées. Il y a beaucoup d’autres expériences trop longues à raconter.

Des années plus tard, alors que je servais encore en Espagne, j’ai eu, en raison d’une situation particulière, cinq problèmes cardiaques en deux mois, avec seulement quelques semaines entre chacun d’entre eux. Mais Dieu m’a également sauvé de cette situation sans conséquences à long terme.

« Si le Seigneur m’a préservé lors de toutes ces situations, comment pourrait-il arrêter de le faire maintenant ? » me suis-je dit. Dieu, qui m’a préservé, qui m’a porté et continue de me porter dans sa main, m’a donné la force de me dire maintes et maintes fois : « Penses-tu qu’après tout cela, un virus me tuera ? et s’il me tue, qu’il me tue. » Tout comme dans Daniel 3, nous avons un Dieu qui peut nous délivrer, mais s’il décide de ne pas le faire, que sa volonté soit faite.

Comme beaucoup d’autres personnes, j’avais de nombreux projets, un programme complet jusqu’à la mi-septembre, avec des voyages à travers la moitié de l’Europe. En quelques heures seulement, j’ai vu comment mon planning s’est retrouvé vide. Tous les projets, tous les voyages, tous les plans, toutes les campagnes d’évangélisation et toutes les rencontres ont disparu. Lorsque le virus tente de vous tuer, même les réunions Zoom ne sont pas possibles.

Mon programme avait été remplacé par mon propre champ de bataille. Le simple fait de marcher pour aller dans ma salle de bain était quelque chose de presque impossible. Pouvoir descendre les escaliers à la maison était ressenti comme une victoire. Pouvoir m’asseoir pendant une demi-heure sur mon canapé était une nouvelle source de bonheur, même si après cela je devais retourner au lit immédiatement, car je luttais désespérément pour parvenir à respirer. Mes victoires sont devenues les plus humbles qu’un être humain puisse imaginer. Je n’aurais jamais pensé pouvoir ressentir autant de grandeur et de joie rien qu’en faisant un seul pas, ou en restant debout droit pendant quelques secondes, puis quelques minutes. Mes priorités concernant ce qui est vraiment important ont changé en moi, chaque jour.

Combien parmi nous, pasteurs, avons fait souffrir nos familles parce que nous « servons Dieu et l’église, » alors que le Seigneur ne nous a jamais demandé des sacrifices tels que négliger nos familles ou ne pas passer suffisamment de temps avec elles. Je suis reconnaissant de passer par ce processus, car il me permet de me retrouver et de me réconcilier avec ma femme et mes enfants.

Nos églises ont réussi à continuer sans nos réunions hebdomadaires en personne dans nos lieux de culte. Nous avons trouvé de nouvelles façons de faire de chaque maison une église. Nous avons continué à avancer parce que, si nous nous souvenons bien, c’est l’église de Dieu, pas la nôtre. C’est l’église qui réussira à avancer quoi qu’il arrive, parce que c’est son église. En tant que leader, j’ai découvert que je dois faire davantage confiance au Seigneur de l’église. Elle n’appartient à aucun pasteur, directeur de département ou président. Dieu a dirigé son église dans le passé et continuera de le faire – peut-être de manière différente ou avec des méthodes différentes, mais en suivant le même principe – aider son peuple à accomplir le mandat évangélique consistant à prêcher à toute nation, à toute tribu, à toute langue et à tout peuple.

Le même Dieu qui « a vidé nos plannings, » les remplira à nouveau de nouveaux projets, peut-être de meilleurs, plus efficients et efficaces. Laissons-le nous guider et guider son église.

Pedro Torres est le directeur de la communication de l’Union Franco-Belge, dont le siège se trouve en France.

Traduction: Patrick Luciathe

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